Conseil au voyageur

Lire les Chroniques Birmanes de Guy Delisle, vous vous ennuierez moins qu'en lisant ma prose médiocre, et tout (ou presque) y est!

Pour les révolutionnaires et autres animaux politiques:
"Birmanie ou Myanmar ? Le vrai faux débat francophone"

En 1989, le gouvernement militaire décida de rebaptiser le pays en modifiant le nom anglais jusqualors utilisé: Burma devint Myanmar. Dautres noms de lieux ont connu une évolution comparable : Rangoon est devenu Yangon ; Moulmein, Mawlamyine ; Irrawaddy, Ayeyarwady ; et Maymyo, Pyin Oo Lwin ; etc.

Cette « birmanisation » poursuivait un triple objectif :
  • rompre définitivement le lien psychologique avec le passé colonial
  • inscrire le régime dans la continuité historique du « pays des premiers habitants », signification vernaculaire du terme Myanmar
  • affirmer indirectement la diversité de la nation, le terme Myanmar étant censé représenter une entité plus large que celle désignée par le mot Burma, formé par les Britanniques à partir du terme Bamar, désignant lethnie majoritaire.


Cette réforme na rien changé pour les Birmans eux-mêmes qui désignaient déjà en birman leur pays sous le terme Myanmar. Nombre dethnies qui coexistent en Birmanie disposent toutefois de termes propres pour désigner une entité nationale à laquelle leur culture et donc leur langue ne les rattachent pas nécessairement. Ainsi la plupart des minorités ethniques ne sest pas reconnue dans le terme Myanmar, tant pour des raisons historiques liées au rôle jadis dévolu à certaines dentre elles par les colons britanniques que pour des raisons politiques.

Cest précisément autour de lignes politiques que sest cristallisée à partir de 1989 la fracture entre ceux qui utilisent le nom Myanmar et ceux qui ont revendiqué le maintien du terme Burma en signe dopposition au gouvernement. Même si le régime birman a changé depuis 2011, et si le camp des « pro-Burma » tend à seffriter dans le monde anglo-saxon, lutilisation du terme Burma reste lapanage des opposants historiques à linstar de la Ligue Nationale pour la Démocratie (L.N.D.) et dun certain nombre dassociations militantes étrangères ou birmanes en exil.

Ce débat terminologique a conduit à des clivages caricaturaux dont le compromis retenu par lUnion Européenne - qui désigne le pays dans tous ses documents officiels en anglais sous le terme de Burma/Myanmar - illustre à la fois la complexité et la relativité.

Devenu idéologique, ce débat doit toutefois être replacé dans son contexte linguistique. Seul langlais est concerné. La réforme de 1989, qui ne concernait pas le birman, ne sappliquait pas non plus aux autres langues étrangères. Elle navait ni la vocation ni lambition de procéder à une « birmanisation » universelle du nom du pays, aspiration qui eut été au demeurant irréaliste. Si certaines langues comme le japonais qui utilisait traditionnellement le terme ビルマ ont introduit une traduction phonétique du mot Myanmar (ミャンマー), la plupart continue à utiliser les termes dorigine à linstar du chinois (缅甸) ou du russe (Бирма).

Cest également le cas du français. Contrairement à ce que pensent certains, le fait de parler de la Birmanie nest ni une prise de position idéologique, ni une méconnaissance des usages locaux, et encore moins un manque de respect à l’égard du gouvernement ou du peuple birman. Il sagit simplement du reflet dune constante dans la langue française qui veut que lutilisation dun mot dorigine étrangère - en loccurrence Myanmar- ne s’établisse dans la durée quau terme dun usage aussi large que régulier résultant dun équilibre entre la phonétique, la pratique et la logique, étape qui na pas encore été franchie par le mot Myanmar comme lillustre par exemple labsence de dérivés. Ainsi nul na jamais entendu parler des « Myanmarais » pour désigner les habitants du pays. (De fait, parler du Myanmar pour désigner le pays, mais des Birmans pour qualifier ses habitants, nest pas sans poser problème, surtout si lon se réfère à l’étymologie de chacun de ces termes...)

La Commission générale de terminologie et de néologie, organisme français dont la vocation est de favoriser lutilisation de la langue française, et de participer au développement de la francophonie, a consacré lusage du terme Birmanie, ce qui a été accepté sans aucune difficulté par les autorités birmanes. LAmbassadeur de France est ainsi accrédité auprès de la République de lUnion de Birmanie, et tous les documents officiels bilingues -français-birman-, notamment les accords inter-gouvernementaux, utilisent dans leur version française le terme Birmanie.

Le terme Myanmar nen reste pas moins utilisé par certains Français lorsquils parlent dans notre langue. Cest notamment le cas de la communauté française installée dans le pays de longue date habituée à la mixité linguistique liée à la coexistence de langlais et du birman. Plus récemment, cest également le cas des milieux daffaires, plus enclins à utiliser langlais que le français comme langue de travail. Même si elle nest pas conforme à la pratique officielle et à lusage francophone le terme Myanmar est un anglicisme en français cette pratique est parfaitement admissible. En revanche, elle ne peut en aucun cas être considérée comme un « positionnement politique » qui na pas lieu d’être en français, et encore moins comme une prescription.

En résumé, si les deux termes Birmanie et Myanmar- sont admissibles dans la langue courante, et ceci sans aucune connotation, seul le terme Birmanie appartient à la langue française, au même titre dailleurs que le nom Rangoun, par opposition à Yangon qui ne relève, pas plus que Rangoon, du registre francophone.

A lheure où de plus en plus de Français sinstallent en Birmanie, on ne peut que souhaiter que le plus grand nombre apprennent le birman, opportunément enseigné, et ceci avec succès, à lInstitut Français de Birmanie (I.F.B.). Quant à la promotion de la francophonie qui demeure un défi dans un pays comme la Birmanie, lAmbassade ne peut quinviter tous ceux qui sont sensibles à cette cause à y contribuer. Si renoncer à lutilisation française du terme Myanmar, qui entrera peut être un jour dans les usages francophones, serait ridicule car elle correspond déjà à une réalité, marginaliser le terme Birmanie serait tout aussi condamnable car totalement infondé. Chacun est bien évidemment libre de choisir sa pratique, mais tous se doivent de le faire en connaissance de cause. Quant aux polémiques anglophones, notre langue na pas vocation à y contribuer, ce qui nempêche pas la diplomatie française de se faire entendre en anglais lorsque cela est nécessaire, mais ceci est un autre débat.



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